L’année 2021 s’est refermée sur une bonne louche de morosité, un petit mijoté d’interrogations, un zeste de sourires à peine esquissés : si, avec 2022, on osait l’espoir ?
Les salles de spectacle peinent à faire le plein mais un frémissement s’est produit en décembre, les projets ne sont pas coulés dans le bronze mais l’imagination et la volonté, venues des artistes eux-mêmes, semblent redessiner des paysages, et une brise de liberté se lève, sans être encore un vent exaltant : tout le monde en veut, tout le monde y croit. J’en veux pour preuve quelques signes qui font le pari du renouveau, ici un livre, là des disques : alors, respirons à fond, relevons la tête, le corps, ouvrons nos oreilles, nos yeux, et haut les cœurs !
Par exemple, un livre (avec CD) signé Elodie Fondacci, l’animatrice des midis de Radio Classique, qui enchante ceux qui veulent faire une pause avec de belles pages musicales proposées par la voix de cette Elodie-mélodie qui sait d’un détail historique, d’un adjectif choisi, d’un doigt pointé vers l’oreille, donner envie de rester à l’écoute.

C’est le même effet que produit son livre, Une petite histoire de la musique classique (First), qui s’adresse aux jeunes de 7 à 107 ans : une écriture fluide, des mots soulignés pour marquer ce qui est à retenir de cette balade dans le temps, un cheminement intelligemment balisé avec quelques judicieux encadrés sur le statut du compositeur ou celui de l’artiste, qui montrent clairement l’évolution historique de la société musicale, quelques anecdotes bienvenues, le contrepoint parfaitement présenté (comme à la radio) de la vingtaine d’extraits musicaux, tout est simple, lumineux, avec la richesse délicate et poétique des illustrations de Mügluck. À lire seul, à deux, à trois, et à faire lire à toute la famille !
Autre bonheur à consommer sans modération, La Fille de Madame Angot, l’opéra-comique de Charles Lecocq (CHOC ce mois-ci), salué en son temps par le redoutable critique Eduard Hanslick, qui revit dans un enregistrement absolument épatant, assurément le meilleur de la (mince) discographie. Tout brille et resplendit dans cette parodie alerte du Paris du Directoire, menée par une brillante Anne-Catherine Gillet entourée de voix vives, Véronique Gens, Mathias Vidal, sous la baguette de Sébastien Rouland, et dans une version épurée et soignée réalisée par le Palazzetto Bru Zane, ce Centre de musique romantique française dont on ne dira jamais assez combien le travail, sous la direction d’Alexandre Dratwicki, est devenu indispensable.
Et puis un bouquet de disques de piano chacun plus éblouissant que l’autre, avec d’abord le dense et ardent disque Schubert de Jean-Marc Luisada, dont une D. 960 intense, au bord de l’abîme. Et puis les Études et Scherzi de Chopin par les doigts d’elfe et de feu de Beatrice Rana, ou les valses du même Chopin repensées en fusains élégants par François Chaplin, avec un rubato à mi-chemin de la fièvre et de la mélancolie, et, pour rester avec Chopin, ses pièces pour violoncelle et piano toujours à redécouvrir, par Claire Désert et Anne Gastinel, unies dans une tendre élégance expressive. Et encore un bouquet Ravel revivifié par Clément Lefebvre (CHOC ce mois-ci), inspiré par l’antique tout en étant parfaitement moderne. Sans oublier trois disques Rachmaninov, celui d’Irina Lankova qui butine dans le jardin russe à partir d’une bouleversante Élégie, celui de Jean-Paul Gasparian, avec une brûlante 2e Sonate ou un Prélude en si mineur étreignant, et celui de Fanny Azzuro qui rassemble les 24 Préludes avec une émotion douloureuse qui conduit à une intimité lyrique et poétique dont l’impétuosité de l’opus 32 en particulier fait respirer haut.
Alors en 2022, relisons Valéry : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ! »