Mise en scène hétéroclite et non sans charme de l’opéra de chambre minimaliste de Philip Glass adaptant la féerie tragique de Jean Cocteau.
Roman paru en 1929 et adapté en opéra de chambre en 1996, Les Enfants terribles achèvent la trilogie que Philip Glass a consacré à Jean Cocteau, après Orphée (1993) et La Belle et la bête (1994). S’inspirant autant du livre que de sa version cinématographique réalisée par Jean-Pierre Melville sur un scénario de l’auteur, le compositeur new-yorkais a élaboré une intrigue resserrée sur l’adolescence éternelle des protagonistes avec trois pianos comme uniques instruments portant son romantisme répétitif. Déjà hors du temps, tout comme le texte, cet opéra de poche se voit avec plaisir malgré son aspect délicieusement suranné qui fait songer au jugement de l’Américain sur une avant-garde européenne abhorrée : « Désert gardé par ces cinglés, ces salopards, qui voulaient forcer tout le monde à écrire leur sale musique de dingues ». Qui a vieilli le plus vite ?
La metteuse en scène Phia Ménard transmigre la féerie noire de Cocteau dans une maison de retraite, EPHAD dans lequel les personnages des Enfants terribles ressassent leurs vies incendiées. Une tournette de trois cercles constitue l’ossature du dispositif dans laquelle évoluent les trois pianistes interprétant avec verve les boucles répétitives de Glass sous la direction de l’un d’eux, Emmanuel Olivier, qui coordonne avec dynamisme les variations incessantes de cette œuvre modulaire à la mélancolie lancinante.

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage
Olivier Naveau en Paul, enfant enfermé dans une adolescence tragique, et Mélanie Boisvert, campant sa sœur Élisabeth, instigatrice du ressort fatal les précipitant dans la mort, forment un convaincant duo d’enfants mutins devenus d’égrotants vieillards rejouant leurs vertes années. Ingrid Perruche en l’ange noir Dargelos et la trouble-fête Agathe, François Piolino en l’ami Gérard, complètent avantageusement la distribution de ce mélodrame où chacun s’en sort avec les honneurs avec le chanté-parlé en français pas évident qu’a voulu Philip Glass.
Le narrateur est ici tenu avec éclat par le comédien Jonathan Drillet qui tire tout l’avantage de son jeu insolemment flegmatique en médecin blasé d’hospice, malgré quelques saillies drolatiques additionnelles tenant plus du standup que du théâtre musical. Un extrait de Jean Cocteau s’adresse à l’an 2000 diffusé en intermède participe à l’étrangeté hétérogène de cette proposition scénique singulière qui surprend, séduit et parfois déconcerte, ce qui n’est le moindre de ses mérites.
Créée à Quimper le 8 novembre, cette production de la co[opéra]tive achèvera sa tournée de vingt-quatre représentations à la MC93, à Bobigny, le 26 février.
Rennes, Opéra, le 16 novembre
À retrouver
Les 26 et 27 novembre à l’Atelier lyrique de Tourcoing.
Les 1er et le 2 décembre au Bateau Feu de Dunkerque.
Le 7 décembre au Théâtre Impérial de Compiègne.
Les 10 et 11 janvier 2023 aux 2 Scènes de Besançon.
Les 17, 19 et 20 janvier à la Comédie de Clermont-Ferrand.
Les 1er et 2 février à la MC2 de Grenoble.
Les 10 et 11 février au Théâtre national de Bruxelles.
Les 23, 24 et 26 février à la MC93 de Bobigny.