À l’Est, l’enfer, de nouveau. Créée en 2014, à l’Opera Ballet Vlaanderen, la Lady Macbeth de Calixto Bieito, invitée à Genève dans le cadre de sa passionnante saison « Migrations », reste d’une terrible actualité.

Cette Lady Macbeth de Mtsensk situe la demeure des Ismaïlov au fond d’une mine du Donbass et le finale y a la couleur du tchernoziom, cet humus ukrainien désormais nourri d’entrailles et où les protagonistes pataugent. Tout y est paroxystique, les situations, les sentiments, les corps à corps et les viols, nombreux.

Pour interpréter un opéra où règnent domination et humiliation, il faut des acteurs-chanteurs capables de tout donner d’eux-mêmes. L’incendiaire Aušrinė Stundytė fait corps avec un rôle qu’elle aborde sur de nombreuses scènes. Ses aigus d’airain et son infinie tendresse offrent une Katarina justement ovationnée, tout comme le Sergueï de Ladislav Elgr, mince séducteur possédant la fêlure propre aux fourbes d’opéra.

La splendide distribution mélange les interprètes bulgares (Aleksandar Chaveev, Marin Yonchev, Georgi Sredkov), russes (Vladimir Kazakov, Anna Samokhina, Dimitri Tikhonov) et ukranien (Igor Gnidii). Avec, en premier lieu, le magistral Dmitry Ulyanov, l’Aksinia de Julieth Lozano et la Sonyetka de Kai Rüütel, admirables de sûreté vocale et d’intensité dramatique.

En fosse Alejo Pérez avait montré ici-même, dans Guerre et Paix de Prokofiev (2021), ses affinités avec le répertoire « soviétique ». Son Chostakovitch préfère la précision à la masse tonitruante. Quant au Chœur du Grand Théâtre dirigé par Alan Woodbridge, il livre un acte IV sidérant, parcouru d’âmes damnées.

Lady Macbeth de Mtsensk — Grand Théâtre — Genève. Le 30 avril

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