Liya Petrova fait dialoguer deux œuvres rares au disque : le Concerto de Walton et la Sonate de Respighi. Un « moment » d’exception.

Liya Petrova. SDP
L’ombre de Jascha Heifetz plane sur le Concerto de Walton, qu’il a commandé puis créé, avant de l’enregistrer à deux reprises. Vous êtes-vous inspirée de son interprétation ?
Oui mais pas seulement. Je me suis également intéressée à sa correspondance avec Walton et j’ai compris à quel point le violoniste avait collaboré à la rédaction de l’œuvre. Sa personnalité transparaît clairement dans la partition. J’ai beaucoup écouté ses deux enregistrements, mais également celui, très poignant, que Menuhin a réalisé sous la direction du compositeur. Bien qu’ils soient très différents, on remarque que Walton a imposé aux deux solistes des tempos relativement lents par rapport à d’autres interprétations. Ensuite je me suis concentrée sur la partition, dans sa version révisée de 1944, pour en livrer ma propre perception.
Voyez-vous dans ce concerto, comme on a pu l’écrire, une « ingénieuse réconciliation entre les exigences de la virtuosité et de l’expression romantique » ?
C’est une œuvre très virtuose. Walton était du reste inquiet et a élevé son concerto au niveau des possibilités techniques de son dédicataire. Son romantisme, véritable déclaration d’amour à Alice sa compagne d’alors, est intense dans le premier mouvement. Dans le deuxième, on entre dans un autre monde, italien, avec la tarentelle et les danses napolitaines. Dans le finale, Walton a inclus des marches militaires comme pour traduire le drame de l’époque.
N’a-t-il pas souffert de sa comparaison avec celui d’Elgar, l’autre grand concerto britannique, écrit trente ans plus tôt ?
Certainement, et même au-delà des quelques similitudes qu’on y décèle. Mais je ne comprends pas pourquoi une œuvre de cette qualité a été si peu enregistrée, surtout ces vingt dernières années.
Le couplage avec la Sonate de Respighi est inhabituel. Le second volet du diptyque doit paraître l’an prochain – rapprochant le Concerto de Korngold de la Sonate de Richard Strauss. Pourquoi alors ne pas avoir publié un disque de concertos et un deuxième de sonates ?
Ce fut l’idée initiale, les deux concertos ayant été écrits pour Heifetz. En revanche, musicalement ils ne s’accordaient pas et je craignais que celui de Korngold, désormais plus connu, ne fasse de l’ombre à celui de Walton. De plus, je trouve que le Korngold se marie très bien avec la sonate de Strauss. Par ailleurs si l’orchestre et le chef sont identiques dans les deux concertos, les pianistes sont différents dans les deux sonates. C’est avec Adam Laloum que j’ai enregistré Respighi, alors que c’est Alexandre Kantorow qui sera mon partenaire dans Strauss ; ce sont deux grands amis avec les- quels j’ai un plaisir immense à partager la scène.
Les deux œuvres de Walton et de Respighi sont en si mineur. Est-ce un choix ?
C’est plutôt un hasard. Néanmoins, j’aimais bien l’idée que l’Italie les relie, puisque Respighi est italien et que Walton a écrit son concerto sur la côte amalfitaine.
Respighi est un acteur de ce que l’on a appelé la « renaissance » de la musique italienne. Pourtant son unique sonate, contemporaine de celle de Debussy, est loin d’avoir connu la même célébrité. Sa proximité avec le régime de Mussolini en est-elle responsable ?
Pour moi sa sonate n’est pas moins accessible que celle de Debussy, mais la raison politique a certainement joué un rôle important. De plus, Respighi, comme Richard Strauss, est beaucoup plus connu pour son œuvre symphonique que pour sa musique de chambre.
Parlez-nous des autres moments forts de votre carrière, aujourd’hui et à venir.
Je viens de faire mes débuts au Concertgebouw d’Amsterdam et j’ai adoré cette salle. Par ailleurs, durant le confinement j’ai fondé un festival de musique de chambre à la salle Cortot, La Musikfest Parisienne, qui en est à sa quatrième édition. Durant l’été j’ai de nombreux engagements, notamment à La Roque d’Anthéron et à Nîmes. La saison prochaine, des concerts sont prévus un peu partout en France, en Suisse, en Allemagne, et je dois aussi faire une grande tournée en Angleterre en 2024 avec le Royal Philharmonic Orchestra. Tout cela est très exaltant.

« Momentum »
Avec Adam Laloum (piano), Royal Philharmonic Orchestra, dir. Duncan Ward
Mirare. 2023
Pour en savoir plus :
- Consulter le site de l’artiste Liya Petrova.
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