Des Enfers jusqu’au Paradis en passant par le Purgatoire, le ballet en trois actes Dante Project de Thomas Adès glace et exalte tour à tour.

Thomas Adès (1971)
Dante
Los Angeles Master Chorale, Orchestre philharmonique de Los Angeles, dir. Gustavo Dudamel
Nonesuch Records
Dante Project, son premier ballet, Thomas Adès l’a conçu en collaboration avec le chorégraphe Wayne McGregor et la styliste Tacita Dean – le livret contient des photos de toute beauté de la création londonienne. Aucun volet du triptyque formant La Divine Comédie n’a été écarté, là où Liszt trouva plus sage de se limiter à un modeste Magnificat en guise de finale de sa Dante Symphonie. Le Hongrois fournira l’essentiel du matériau thématique : « Dante avait Virgile comme guide. J’avais Liszt. Et il n’y avait meilleur guide en Enfer que Liszt », confesse Adès qui, réagençant l’ordre des cercles, façonne une sorte de film d’horreur gothique en treize séquences où surgissent également les spectres de Berlioz et Puccini (le livret de Gianni Schicchi s’appuie sur Dante).
Des pastiches à l’indéniable originalité
Voici, dans une orchestration sur mesure pour la rutilance de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, le début de la Dante Symphonie (les égoïstes), La Lugubre Gondole (le nocher de l’Enfer), la Totentanz (les suicidés), l’Andante lagrimoso (les hypocrites) tandis que Valse oubliée et autres Méphisto-Valse s’invitent inopinément. Frappe la dimension chorégraphique des rythmes, parfaitement captée par Gustavo Dudamel. Il n’est pas jusqu’au Galop chromatique qui ne fasse irruption pour illustrer les tourments des voleurs avant la torpeur du lac de glace de Lucifer – l’incandescence sous le givre. Vous avez dit pastiches ? Certes, mais pastiches dont la valeur est en raison directe de la quantité d’originalité que le compositeur y a pu faire tenir. Au morcellement de l’Enfer répond la forte directionnalité des deux autres volets. La voix du hazzan appelant à la prière ouvre le Purgatoire, seul lieu où les âmes ne sont qu’en transit : sonorités sépulcrales, mélismes moyen-orientaux. Les cordes apportent un sentiment d’élévation à travers une montée extatique qui contrepointe les chants enregistrés. Le Paradis s’inscrit dans le sillage de Tevot et Polaris, avec des lignes s’épanouissant telle une irrépressible montée de sève avant l’entrée du chœur féminin en coulisse. Virtuose du poncif, Adès en tire un effet magique qui laisse l’auditeur la tête dans les étoiles.
Pour aller plus loin
- Ecoutez un extrait : Thomas Adès – Dante, Pt. I « Inferno »: XII. The Thieves—devoured by reptiles
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