Fresque endiablée éclatante de couleurs, le ballet Toulouse Lautrec au Théâtre des Champs-Élysées est un spectacle vitaminé.

C’est le ballet des contraires : le corps infirme, souffreteux, du peintre Toulouse Lautrec qui, dans le Paris débauché qu’il fréquente, se confronte aux corps érotisés, provocants, des cocottes et des clients… L’impuissance d’un homme face à l’insolence des femmes, sa solitude intime dans l’exubérance des nuits libertines, et surtout, thème magnifique pour une chorégraphie, sa difficulté à se mouvoir au milieu d’un monde ivre de fête et de danse. De la vie de l’artiste de la Belle Époque, estropié des suites d’une maladie génétique, on aurait pu faire une œuvre triste. Toulouse Lautrec, pièce créée à Toulouse par Kader Belarbi, est à l’opposé, une explosion de mouvements et de couleurs.

Un tourbillon incessant

Pas de narration biographique, mais une succession de saynètes comme autant de toiles vivantes : la scène devient le cadre du tableau ; la chorégraphie anime la peinture. Les personnages de Lautrec renaissent dans un tourbillon incessant, emmenés  par les notes syncopées du piano (Yannaël Quenel) et de l’accordéon (Sergio Tomassi). Javas, valses, galops et bien sûr french cancans sont interprétés par la troupe du Ballet national du Capitole dans une gestuelle débridée, inspirée par le classique, avec force lancers, glissades, portés.

Toulouse Lautrec — Théâtre des Champs-Élysées
Crédit photo : David Herrero

On y croise les figures célèbres, la Goulue, Suzanne Valadon, et ces filles dites de joie que leurs clients traitent comme des poupées  de chiffon. Dans cette euphorie lancinante, Toulouse Lautrec, omniprésent, redingote et chapeau melon (magnifiquement campé par Ramiro Gomez Samon), clopine, titube, vacille, se retrouve au sol, et s’accroche à sa canne comme à la vie. Mais il persévère dans cet univers de plaisirs dont il est le spectateur, parfois confident à défaut d’être amant, couvé  par une mère fantomatique et possessive jusqu’à la déchéance finale, la folie et l’enfermement. Tout cela compose un spectacle vitaminé, sans vulgarité, un hymne fataliste à la légèreté, et somme toute, un portrait bienveillant et sensible du peintre.

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