Octobre 1918 en Artois. Un convoi de troupes est immobilisé par un bombardement. Pendant les deux heures que nécessite la réparation des rails, le soldat Paul Marchand (Jean-Pierre Aumont) fait une escapade dans son village natal, tout proche, inquiet de ne plus avoir de nouvelles de sa fiancée Marie (Corinne Luchaire). Un vrai contre-la-montre s’engage pour revenir à temps et ne pas finir au peloton d’exécution pour désertion.

Cette fresque réaliste où la guerre est toujours présente hors champ, Léonide Moguy la filme dans la région de Chartres en 4/3 dans un noir et blanc souvent brumeux, celui des automnes de la Grande Guerre, et enchaîne dialogue en long plan-séquence sur la voie ferrée et confrontations des amants minés par la malice des anciens. Arthur Honegger a conçu un fragment symphonique dans un style lyrique haletant, aisément identifiable, où les cordes sont à l’honneur. On notera aussi la modernité du travail sur la bande-son, où tonne au loin la canonnade presque d’un bout à l’autre de ce long métrage d’une heure vingt, au scénario millimétré, aux dialogues ciselés avec une élégance dans la simplicité perdue à jamais.

Soucieuse, pendant l’immobilisme de la « drôle de guerre », de ne pas nuire au moral des futurs appelés, la censure exigera que le titre original du film, Le Déserteur, soit modifié.

RÉALISATEUR 

Léonide Moguy 

Né à Saint-Pétersbourg, de son vrai nom Leonid Moguilewsky, Léonide Moguy (1898-1976) quitte la Russie soviétique en 1929 pour s’installer en France où il devient monteur, notamment pour Max Ophüls. Il passe rapidement à la réalisation, et défend un certain cinéma social, traitant des orphelins (Le Mioche), de l’univers carcéral (Prison sans barreaux), ou de la condition féminine (Conflit). 

COMPOSITEUR

Arthur Honegger 

Né au Havre en 1892, mort à Paris en  1955, Arthur Honegger est issu d’une famille de Suisses calvinistes. Membre du Groupe des Six, il signe la bande originale d’une vingtaine de films, dont plusieurs d’Abel Gance (La Roue, Napoléon, La Fin du monde, Le Capitaine Fracasse). Il marque Le Déserteur, dont il partage l’affiche avec Henri Verdun, de son fragment symphonique tel un leitmotiv.