« Stan fit cette belle improvisation sans jamais laisser son instrument être une prima donna. Il ne lui est jamais venu à l’esprit de faire montre de prouesses techniques ou de concurrencer l’orchestre. Ce genre de respect pour la musique est très rare », commente Eddie Sauter, compositeur de cet album avec orchestre à cordes au son unique. Dès l’ouverture, les balais de Roy Haynes, les cordes et Stan Getz dialoguent sur I’m Late, I’m Late et installent un univers musical à l’atmosphère incomparable. Les arrangements soignés, souvent incisifs, et le son du saxophoniste créent à chaque seconde cette chose rare que, faute de mieux, l’on appellera beauté. Il fallait que le chant intérieur de cet homme fût de haute lignée pour que son souffle parvienne à créer une sonorité d’une telle splendeur. Les exposés de thèmes, les paraphrases et les improvisations auxquelles Getz s’adonne au cours des neuf titres de cet album sont un délice immédiatement charnel, presque gourmand. Beaucoup de grands saxophonistes ont enregistré avec un orchestre à cordes. De grandes réussites sont dues à Charlie Parker, Ben Webster, Gerry Mulligan et quelques autres. Mais aucun n’est parvenu à créer un monde musical nouveau immédiatement identifiable et qui ne cesse d’inspirer de jeunes musiciens fascinés par cet album. La rencontre de Stan Getz avec l’arrangeur Eddie Sauter et le batteur Roy Haynes a donné lieu à ce qui doit être appelé un chef-d’œuvre inaltérable.
« Focus » – Stan Getz. Un disque Verve paru en 1961
