Instruments d’époque, versions rares et primitives… Alexis Kossenko renouvelle l’horizon des Symphonies nos 4 et 5 de Mendelssohn.

Felix Mendelssohn
Symphonies n° 4 « Italienne »
et n° 5 « Réformation »
Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie, dir. Alexis Kossenko
Aparté AP315
La version révisée (1834) de la Symphonie « Italienne » n’a été publiée qu’en 1997. John Eliot Gardiner l’enregistrait dans la foulée avec le Philharmonique de Vienne pour Deutsche Grammophon. En 2021, c’est au tour de Riccardo Chailly d’y imprimer son empreinte à la tête de sa phalange scaligère (Decca). À rebours de la plupart des compositeurs, dont les révisions vont dans le sens d’un certain resserrement et élagage, Mendelssohn nourrit davantage la matière musicale, adornant le contour mélodique et l’harmonie de détails subtils.
L’enregistrement d’Alexis Kossenko est donc le premier à faire entendre des instruments d’époque. S’ils n’ont pas le velours des Viennois, les musiciens des Ambassadeurs ~ La Grande Écurie n’en présentent pas moins un remarquable équilibre des pupitres, avec des timbales finement intégrées, jamais prises en défaut de pétarade. Pour segmentés qu’ils soient en accord avec l’articulation et le raccourcissement des coups d’archet, les phrasés progressent avec fluidité et surtout respirent, libérés de tout legato collant. Et la dramaturgie de se greffer par surcroît, comme le thème de marche du premier mouvement, où le calibrage des silences instille une manière d’inquiétude. Les modifications apportées surprennent certes l’oreille conditionnée par la version d’origine, mais on se laisse séduire. Et quel Saltarello !
Alexis Kossenko entretient un rapport encore plus personnel avec la Symphonie « Réformation », qu’il enregistra en qualité de premier flûtiste de La Chambre Philharmonique aux côtés d’Emmanuel Krivine (Naïve, 2006). Désormais sur l’estrade, par souci d’authenticité (partie d’ophicléide rétablie à la hauteur réelle), il nous propose la version originale de 1829 – fruit d’un compositeur de 20 ans ! – qui inclut ce court et magnifique mouvement intermédiaire entre l’Andante et le Choral : un récitatif pour flûte, bientôt rejoint par d’autres instruments de la petite harmonie sur des pizzicatos songeurs des cordes. On retiendra aussi le bel effet de spatialisation des cors dans le premier mouvement et, dans le final, une volonté délibérée de conjurer toute enflure postromantique : en cela, le fameux « Amen de Dresde » annonce moins Parsifal qu’il ne s’inscrit dans la descendance des grands musiciens baroques allemands – Schütz et Bach au premier chef ; ce n’est pas le moindre mérite de cette interprétation que de renouveler ainsi la perspective.