Monteverdi Gonzalez Toro

Claudio Monteverdi (1567-1643)
Le Retour d’Ulysse dans sa patrie
Rihab Chaieb (Pénélope), Emőke Baráth (Minerve), Zachary Wilder (Télémaque), Philippe Talbot (Eumée), I Gemelli, Emiliano Gonzalez Toro (Ulysse et dir.)
Gemelli Factory GEFA006 (3 CD)
2021-2023. 2 H 57 MIN

CHOC_CLASSICA_NFAvec la complicité d’une distribution idéale, autant variée qu’homogène, et d’un soutien instrumental inspiré, Emiliano Gonzalez Toro signe une interprétation de Monteverdi qui a la force de l’évidence.

Comme le rappellent Emiliano Gonzalez Toro et Mathilde Etienne, dans l’entretien qui ouvre le remarquable texte de présentation, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) passe pour « le maillon faible » entre L’Orfeo (1607) et Le Couronnement de Poppée (1642-1643)∘: «∘Très long et inégal, voire un peu ennuyeux∘». Sans doute se laisse-t-il moins facilement approcher que les deux autres∘; il n’a pas l’allure aristocratique du premier, ni le scénario «∘moderne∘» du second. Mais quand les deux artistes ont compris la «∘proximité∘» de cet opéra «∘avec la commedia dell’arte, tout est devenu beaucoup plus clair∘». Aussi leur lecture du récit mythologique se révèle-t-elle des plus colorées, des plus animées, des plus contrastées, des plus théâtrales qui soient. Ils ont pour ce faire réuni une distribution où chaque voix dessine, par son seul timbre, le caractère des personnages (le Neptune abyssal de Jérôme Varnier, la Pénélope pathétique de Rihab Chaieb) que creusera un sens dramatique toujours très sûr. Le tableau profite autant de la diversité des couleurs que de la logique avec lesquelles elles sont distribuées. L’orchestre, plus richement fourni que celui dont devaient disposer les théâtres vénitiens (violons à cinq parties et basse continue), lui offre un cadre avantageux∘: violons, violes, cornets, flûtes, sacqueboutes, dulcianes et autres lirone et trompette marine saluent le retour à Ithaque. Quelques effets supplémentaires (coups de tonnerre) enrichissent une bande-son qui, malgré le luxe déployé, ne conteste jamais la priorité de la voix, du texte, des mots.

On s’épargnera la description de chaque prise de rôle, admirable on l’aura compris, pour mieux souligner l’intelligence et la fluidité de la conduite, la puissance des contrastes, la solidité des transitions d’une scène à l’autre, le passage du rire aux larmes, de la trivialité (irrésistible Irus de Fulvio Bettini) à la grâce ou l’art avec lequel Emiliano Gonzalez Toro contrefait sa voix pour vieillir Ulysse. Impossible alors de considérer cet opéra «∘un peu long et inégal∘».