« C’est à elle que je dois le début de ma carrière professionnelle »

Crédit Photo : Uli Weber / Decca
Mes parents possédaient de nombreux disques à la maison. Je me souviens ainsi d’avoir écouté, très jeune, La Somnambule de Bellini enregistré en direct à La Scala en 1955.
Bien sûr, j’ai grandi dans une famille de chanteurs… J’étais alors habituée à entendre de l’opéra mais là, j’ai été profondément frappée par la formidable étendue de la voix de cette chanteuse que je ne connaissais pas. Sa profonde musicalité, son incroyable sens du phrasé… C’est comme si elle sculptait chaque phrase. Je dois ajouter que j’avais été aussi impressionnée par la direction de Leonard Bernstein, en particulier la manière dont il soutenait et aidait l’engagement vocal de cette chanteuse que je découvrais, émerveillée.
Je pense que je dois à Maria Callas une grande part de ma curiosité pour les nouveaux répertoires. Par ailleurs je lui dois également ma recherche constante d’une vision renouvelée du répertoire plus connu même si, bien sûr, ma vocalité et la plupart de mon répertoire sont différents. Mais, comme on le sait, c’est à elle que je dois le début de ma carrière professionnelle. En effet, à peine âgée de 20 ans, j’ai été appelée pour remplacer Aprile Millo dans un gala donné en l’honneur de Maria Callas et retransmis à la télévision française.
Arrivée au pied levé, je n’avais pas vraiment conscience de l’importance de l’événement. Je me sentais néanmoins à la fois humble et honorée de chanter devant une personnalité comme Georges Prêtre, qui dirigeait l’orchestre. C’est alors qu’Elena, la femme de Daniel Barenboim, a téléphoné à son mari. Elle lui a alors enjoigné d’allumer son poste de télévision pour entendre «une jeune chanteuse inconnue», moi!
Peu de temps après, il m’a contactée et m’a invitée à travailler avec lui. Cela a véritablement été une rampe de lancement pour ma carrière internationale. Par ailleurs cela a également été le départ d’une amitié et d’une collaboration qui durent encore aujourd’hui. On peut vraiment dire que Maria Callas a révolutionné le monde de l’opéra, en particulier notre attitude à l’égard de l’opéra du xixe siècle.
Elle demeure un exemple pour tout artiste aujourd’hui encore. Cela aussi bien par sa recherche constante d’une interprétation qui creuse chaque personnage jusqu’à son fond expressif que par son art du chant jamais convenu, toujours original et juste, vrai. Elle avait de surcroît une voix très particulière, en dehors des canons traditionnels, une voix de chanteuse-actrice. C’est d’ailleurs ce qui me fascine encore, chaque fois que j’écoute un de ses disques. Il n’y aura jamais d’autre Callas : il y a bien un avant et un après elle.