La WDR de Cologne ranime avec volupté des pages mélancoliques longtemps oubliées.

Max Bruch (1838-1920)
Quintette à cordes en mi bémol majeur.
Quintette à cordes en la mineur.
Octuor à cordes en si bémol majeur
Ensemble de chambre
de l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne
Alpha 743. 2020. 1 h 07
Dès les premières secondes, la qualité sonore captive : charnelle, tendre et moelleuse, elle souligne délicatement la mélancolie de l’écriture de Bruch. Comment ces trois œuvres de maturité (l’Octuor fut achevé en mars 1920, quelques mois seulement avant la disparition du compositeur) ont-elles pu rester si longtemps dans l’ombre du Concerto pour violon en sol mineur et de la Fantaisie écossaise pour violon et orchestre ? Est-ce parce que ces pages de musique, égarées dans les tourmentes de la Seconde Guerre mondiale, ne réapparurent qu’au début des années 1990, laissant la discographie orpheline durant de nombreuses décennies ? Après avoir enregistré les deux Quintettes et deux Sextuors à cordes de Brahms (Pentatone, 2016- 2018), les WDR plongent au cœur de ces partitions longtemps oubliées, confirmant leur affinité pour le répertoire romantique allemand. Loin de la lecture de l’Ensemble Nash (Hyperion, 2016), fiévreuse, incisive et sèche, portée par des articulations marquées et des tempos enlevés, les WDR préfèrent la volupté, glissant leurs archets dans ces lignes mélodiques avec un plaisir non dissimulé. La rondeur des basses répond ici aux glissandos des voix aiguës avec une sensualité totale (expressive et magnifique Ye Wu au premier violon !), entourant avec raffinement le dialogue amoureux des voix intermédiaires.
Textures luxuriantes
Cette approche pourrait rappeler celle de l’Ensemble Ulf Hoelscher (CPO, 1997-1998), qu’elle surclasse cependant par ses textures luxuriantes et ses nombreux arrière-plans qui apportent beaucoup de profondeur au discours : il faut écouter l’Allegro du Quintette en la, polyphonie ourlée de soie dont les entrelacs subtils, lascifs, quasi vénéneux, laissent affleurer une poésie sombre derrière la lumière. Préfigurant le reste du siècle à venir ? On pourrait craindre que l’engagement total, le lyrisme ardent et le sens de la narration de ces interprètes n’appuient un pathos déjà présent dans ces pages de musique. Il n’en est rien, tant les WDR cueillent ces dernières fleurs du romantisme avec naturel et mobilité, déroulant leurs phrases comme l’eau qui s’écoule.