Exemple de synthèse des discours concertant et symphonique, le Concerto pour violon et orchestre de Beethoven exige sens de la construction, lyrisme et liberté de conception, offrant aux interprètes des possibilités infinies. Depuis des lustres, Huberman, Menuhin, Neveu, Szigeti, Heifetz, Oïstrakh, Kogan, Francescatti, Milstein, Perlman, Ferras et, plus près de nous, Hahn, Mullova et surtout Tetzlaff ont foulé de leur talent des terres maintes fois fréquentées. Le prodige suédois Daniel Lozakovich ne craint personne du haut de ses 18 ans, abordant cette œuvre, qu’il considère comme « le plus grand des concertos », avec une maturité étonnante. Son entrée soliste après le long tutti orchestral de l’Allegro ma non troppo déploie une aisance d’archet, une lumineuse intonation qui se conjugue à la richesse du timbre et à une éloquence rhétorique assez classique mais subtilement équilibrée.
Superbe exécution des cadences de Kreisler traitées avec une autorité naturelle et sans ostentation. La sérénité minérale du Larghetto et la délicatesse stylistique des variations suivantes conduisent à un Rondo jubilatoire, expression d’un bonheur contagieux en parfaite harmonie avec l’esprit qui anime alors Beethoven, fiancé secrètement avec Thérèse de Brunswick. Valery Gergiev, à la tête de son Orchestre philharmonique de Munich, soutient de façon osmotique un musicien dont il a mis très tôt le pied à l’étrier. En complément, l’Adagio de la Sonate n°1 pour violon seul de Bach procure un sentiment d’évidence servi par une technique maîtrisée (les doubles cordes), loin d’une interprétation historiquement informée. Somme toute, un CD réussi et attachant, mais d’une durée trop brève, qui apporte une nouvelle pierre à l’édifice discographique du jeune Daniel Lozakovich.
La version de Midori se voudrait davantage chambriste : la violoniste japonaise qui joue sur le fameux Guarnerius del Gesù de 1734, jadis la propriété de Bronisław Huberman, assure simultanément le rôle de soliste et de chef du Festival Strings de Lucerne dont Daniel Dodds est le leader. L’exécution instrumentale témoigne plus d’une réelle expérience que d’une recherche d’inventivité, et le poids excessif des interventions orchestrales nuit à la fluidité propre au Concerto (le zoom intempestif du cor solo dans la coda finale du premier mouvement). À tout moment, la beauté du son et la plénitude d’archet (Larghetto) sont desservies par la rusticité d’une direction contrastée, plus brutale que raffinée. Dans les deux Romances, une lecture trop appuyée fait également perdre de vue ce sens de la ligne, cette simplicité poétique et la générosité de ton des versions signées, entre autres, par Menuhin et Fur twängler (Testament), Oïstrakh et Goossens (DG), Grumiaux et Haitink (Philips), Shaham et Orpheus Chamber (DG) ou encore Vengerov et Rostropovitch (Warner).

Concerto pour violon.
Romances op. 40 et 50
Midori (violon et dir.),
Festival Strings de Lucerne
Warner Classics 0190295179205.
2020. 56’