Trois générations couvrant un demi-siècle : des œuvres de 1855 pour Smetana, de 1874 à 1891 pour Dvorák, et de 1899 à 1902 pour Suk. Les trois compositeurs, en filiation les uns avec les autres, se tendent la main et restent stylistiquement proches. Le Trio de Smetana se montre tumultueux mais flamboyant dans son tourment ; le compositeur venait de perdre une petite fille de quatre ans. Le violoncelle, forcé dans son aigu, est déchirant. Les deux premiers Trios de Dvorák, quant à eux, se présentent pleins d’intérêt, même s’ils n’atteignent pas la perfection plus concise des chefs-d’œuvre ultérieurs.

Le Trio op. 65, le plus brahmsien, sonne avec toute la tension et la fougue requises, où l’on remarque l’excellence de la prise de son. Mais c’est surtout dans le Trio «Dumky » op. 90, que l’on ressent une exécution pleine de sens : archets pesants dans les passages douloureux ou élégiaques, puis légers et précis dans les phases guillerettes et dansantes ; la délicatesse du piano se fait méditation, rêve, ou bien tambourinement selon les tempos. L’Élégie de Suk, peu connue, sonne très pétrie de sentiment. Dans son Trio, un peu plus moderne que ceux de ses prédécesseurs mais irrigué d’un tempérament comparable, les phrasés, toujours très expressifs, mettent en valeur les thèmes agités des mouvements extrêmes, ainsi que l’espèce de habanera centrale.

Les quatre Trios
+ Smetana : Trio.
Suk : Élégie. Trio

Thomas Albertus Irnberger (violon),
David Geringas (violoncelle),
Pavel Kašpar (piano)

Gramola 99206 (3 SACD).
2017-2019. 3h05