Decca explore dans ce double disque les trois œuvres phares du répertoire sacré du compositeur tchèque. Ses compatriotes Jakub Hruša et Jirí Belohlávek en livrent de ferventes lectures.

Antonín Dvorák
Requiem. Chants bibliques. Te Deum
Chœur philharmonique de Prague, Orchestre philharmonique tchèque,
dir. Jakub Hruša et Jirí Belohlávek
Decca 485-0509 (2 CD).
2017-2018. 2 h 22
La réunion de ces trois ouvrages sacrés d’Antonín Dvorák se présente comme un portail rayonnant et cohérent ; deux grandes œuvres pour chœur et solistes encadrent un cycle de chants pour basse solo.
Le Requiem n’est pas toujours interprété avec beaucoup de bonheur, à cause de sa sobriété, d’où certaines versions un peu soporifiques. Mais Jakub Hruša, d’un bout à l’autre, donne une impression de puissance. La plénitude du son, l’incandescence des chœurs, l’émotion dégagée par des solistes très expressifs entourent d’une auréole rare cette œuvre que Dvorák a écrite spontanément, sans aucune commande. En évitant tout effet superflu, le chef transmet cette énergie communicative si caractéristique du maître : il joue simplement ce qui est écrit, mais il le joue à fond, avec cette conviction dont les Tchèques ont le secret. Le sens du détail met bien en valeur le motif de quatre notes, « en croix », qui obsède toute l’œuvre. Le Requiem de Dvorák, un peu méconnu, prend ici les accents verdiens d’un opéra aux couleurs profondes, aux sentiments ardents.
La même impression se dégage du Te Deum op. 103, B. 176, œuvre encore moins fréquentée, écrite un peu par accident à cause d’un texte américain qui n’arrivait pas, mais dont on s’aperçoit qu’elle extériorise une foi très directe et poétique, en grande partie grâce aux chanteurs solistes dont le rôle est plus étendu que dans le Requiem : la soprano Katerina Knežiková dialogue avec le cor anglais, le ténor Michael Spyres avec les cuivres ou le groupe de la petite harmonie… Les Chants bibliques op. 99, B. 189, dix pièces sur des textes extraits des Psaumes, trouvent dans la basse Jan Martiník une sorte d’alter ego de Dvorák qui, en lisant la Bible, ne se contentait pas de laisser ses yeux glisser sur les versets mais y entendait des souffles, des orages, ou au contraire des fraîcheurs printanières peuplées d’oiseaux. L’orchestre, ici, est comme l’illustrateur fervent du Livre, un moelleux amplificateur d’une émotion chaleureuse, sous la direction inspirée de Jirí Belohlávek.