La vingt-et-unième édition des Lisztomanias répond par l’affirmative. Et si ces deux géants ne passèrent pas leurs vacances ensemble, ils se montrèrent plus accommodants l’un envers l’autre que leurs thuriféraires respectifs, comme nous le rappelle une conférence du musicologue Nicolas Dufetel. « Nous sommes quelques-uns à savoir jouer du piano, mais nous ne possédons que quelques doigts de ses deux mains ! », disait le premier du second. Combien de pianistes présents au récital d’ouverture de Joseph Moog pourraient se remémorer cette phrase ? Programme d’athlète, jeu de poète : Moog triomphe des chausse-trappes des Variations sur un thème de Paganini sans escamoter la polyphonie. La pédale généreuse (il faut bien cela pour conjurer l’acoustique sèche de la scène Équinoxe) ne se fait jamais aux dépens de l’articulation, et les vertiges dramatiques vous aspirent. Le redoutable Hexaméron, prétexte à moult pyrotechnies digitales, garde beaucoup de tenue. On n’oubliera pas une première partie placée sous le signe de la rhapsodie : dans l’opus 79, les phrasés enveloppent les hémioles, signature rythmique du compositeur, quand l’esprit prend l’ascendant sur la lettre dans une Rhapsodie hongroise n° 12 torréfiée de panache. Le lendemain, place à deux chefs-d’œuvre de Brahms par Geoffroy Couteau et le Quatuor Hermès. Le finale aux accents tziganes du Quatuor avec piano n° 1, le fondu des sonorités, les textures très travaillées des cordes auxquelles veille avec un soin de couturière le premier violon Omer Boucher dans le Quintette en fa mineur : autant de qualités chambristes qui font regretter par endroits un piano trop effacé (problème d’acoustique ?). Mais c’est en instrumentiste à cordes parmi les autres que Geoffroy Couteau aborde ces partitions en vertu d’un cantabile à fleur de touche et d’un sens du partage… éminemment lisztien.
Festival Lisztomanias – Châteauroux. Les 20 et 21 octobre

Crédit photo : Benjamin Steimes / Ville de Châteauroux