Le carrosse bigarré par Mariame Clément promet un beau voyage mais une distribution inégale lui donne des airs de citrouille. Le charme du conte n’opère qu’à moitié.
Cendrillon de Massenet, Paris, Opéra national de Paris, Opéra Bastille, le 26 mars
Il était une fois… Le conte de fées était à la mode à la fin du XIXe siècle, avec ses peurs, ses émerveillements, ses happy ends, et tout ce qu’on ne savait pas encore y lire de sous-jacent, merci Bruno Bettelheim. Hänsel und Gretel, façon Humperdinck, nous le dit encore avec brio. Côté français, Massenet, qui s’était frotté au genre avec Esclarmonde, trouva grâce à Henry Cain le sujet idéal : Cendrillon. Il en fit une perle rare, accrochée en 1899 au cou de l’Opéra Comique qui y gagna un triomphe absolu et durable. Et pourtant, Cendrillon n’est pas le plus connu des opéras de l’auteur de Werther, Manon et Thaïs, loin de là. Paris ne l’aura vu depuis quarante ans qu’importé du Canada au Châtelet, et repris en sa maison mère voici onze ans, n’invitant pas même la savoureuse
production de Laurent Pelly qui triomphait de Londres à New York et Bruxelles.
Il aura donc fallu cent vingt-trois ans pour que le bijou orne le fronton de l’Opéra Bastille – on eut préféré Garnier, question d’échelle. Sera-ce au moins l’initium d’un amour du public pour cet exquis bonbon, au charme mélodique et à l’émotion irrésistibles ? On aura trouvé une production grand public qui marche ; cela permettra bien des reprises.

Crédit photo : Monika Rittershaus/OnP
Mariame Clément a cru bon de nous installer dans une fabrique de poupées Barbie d’époque. C’est appuyé, et dans cet univers stéréotypé – hors les sœurs, et pour une fois gentilles (Charlotte Bonnet et Marion Lebègue, parfaites), on comprendra que Lucette ait envie de se déshabiller pour se distinguer du monde de Madame de La Haltière (Daniela Barcellona, déclin sensible). Pour la part de rêve, d’émotion, si délicieusement traduite dans la partition, on a cherché, sans trouver. Or Cendrillon doit faire pleurer de tendresse. Pas ce soir !
Mais aussi, pourquoi une distribution qui fasse si peu la part au chant français pour les premiers rôles ? Le vivier est là pourtant, et capable de prendre en charge toute la distribution, comme le montre le Pandolfe de Lionel Lhote, hélas sans grande projection, et Philippe Rouillon. Tarah Erraught, gentiment pataude, est certes délectable, et passe parfaitement la rampe, mais son français est incompréhensible. Anna Stephany, parfait Sesto à Glyndebourne, ne fait guère mieux ! Reste Kathleen Kim, timbre un rien suranné – cela convient – qui enchante en souriant. L’orchestre de Carlo Rizzi va de l’avant, sans trop se poser de questions. Une fois de plus, peut mieux faire.