Maitresse de la situation
La cheffe née au Brésil vient d’endosser en septembre la fonction de directrice musicale de l’Orchestre d’Avignon, et, par là même, de devenir la première femme en France à la tête d’une formation nationale. Elle y compose sans tarder un audacieux programme.

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Vous avez pris vos fonctions auprès de l’Orchestre d’Avignon à la rentrée. Quelles sont vos impressions ?
En trois semaines de travail, j’ai déjà observé une évolution. Je suis très contente car je découvre beaucoup de potentiel. En effet, c’est un orchestre exigeant et passionné qui dégage énormément de chaleur. Jusqu’alors, il tournait un peu en rond… Je souhaite ouvrir le répertoire, en commençant par la musique contemporaine.
Nous avons donné le Caprice n° 4 de Dubugnon . Les musiciens étaient réticents au départ mais sont devenus très enthousiastes lorsqu’ils ont entendu l’œuvre. Édith Canat de Chizy et Arvo Pärt sont aussi inscrits dans la saison. Nous développerons également un axe autour des compositrices de l’histoire. J’ai programmé cette année l’ouverture de La Sérénade de Sophie Gail, et la Symphonie n° 3 de Louise Farrenc.
Cette collaboration avec l’Orchestre d’Avignon est une première stabilisation après un parcours déjà riche !
J’ai commencé mes études en Israël puis en Argentine. Arrivée en France, je suis entrée au CNSMDP, avant de réussir le concours pour devenir assistante de Kurt Masur. J’ai assimilé sous son influence cette manière qu’il avait de ne jamais lâcher le morceau. Il pouvait être un lion devant l’orchestre mais il était en même temps très tendre. Ces deux aspects sont nécessaires. Je suis devenue Talent de l’Adami en 2008 grâce à une rencontre avec Laurent Petitgirard qui m’avait encouragée à présenter ce concours.
Le concert que nous avons donné salle Gaveau m’a ouvert beaucoup de portes. Je mène depuis une carrière de cheffe invitée, tandis que j’ai fondé en 2013 mon ensemble privé Idomeneo pour construire une relation dans la durée avec des instrumentistes sur un ou deux projets par an. Je me suis aussi engagée en 2010 dans le projet Demos. Nous allons d’ailleurs le mettre en place à Avignon à partir de 2021.
L’Orchestre d’Avignon a obtenu début octobre le titre d’Orchestre national en région. Que représente ce label pour l’institution ?
L’État contribue à notre budget pour un tiers. Ce nouveau statut nous garantit une pérennisation de son financement sur trois ans, alors qu’il était auparavant rediscuté chaque année. Cela favorise une visibilité à long terme qui est rassurante. Je prévois par exemple une tournée en 2022 à la Philharmonie de Paris. Nous pouvons désormais l’envisager de façon sérieuse, et pas seulement comme un projet en l’air. Je voulais également engager une tournée au Brésil, mais la crise sanitaire met en suspens les voyages internationaux…
Nous allons par ailleurs développer nos projets artistiques sur la durée. Je veux créer un lien avec le public autour de titres « évocateurs » que j’attribue aux programmes. Questionner permet de rendre l’auditeur actif, même s’il n’est jamais possible de tout exprimer par des mots.
Propos recueillis par Aude Giger.
➔À l’Opéra Grand Avignon, le 6 novembre, Debora Waldman dirigera l’Orchestre national Avignon-Provence pour le concert d’ouverture de saison dans Mozart, Prokofiev et Gounod.
➔Au Théâtre Claude-Debussy de Maisons-Alfort, le 20 novembre, l’Orchestre Idomeneo jouera Lutosławski, Bartók, Bloch, Prokofiev et Tchaïkovski sous sa houlette.
➔ Le 19 décembre, à la Maison de la Radio, l’Orchestre philharmonique de Radio France accueillera la cheffe pour la création mondiale du Roman d’Ernest et Célestine de Daniel Pennac, musique de Karol Beffa.